Sortie à la Pierre-Saint-Martin le 31 octobre

(Ce compte-rendu est dédié à Ninie et à Tuuma : deux aventuriers qui n'ont jamais été sous terre.)

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Pour certains, ce nom évoque une station de ski.
Pour d'autres, il déclenche une avalanche de noms mythiques : salle de la Verna, Puits Lépineux, Marcel Loubens, réseau Arphidia,...
Ces noms résonnent dans la mémoire collective des spéléologues Français, Espagnols et parfois d'autres nationalités.
Certains rêvaient d'y revenir, d'autres tout simplement d'y venir. Patrick a organisé la sortie...


Comme par hasard, lorsque j'arrive, tout le monde est en train de manger... Non, Patrick révise le matériel. Nous serons obligés de le forcer à avaler une pomme avant de partir.
Croulant sous le poids des responsabilités (guider et ramener vivants des membres du G3S, ceux qui nous connaissent savent que ce n'est pas gagné d'avance), il ne peut rien avaler : le nœud dans l'estomac.

David, déjà expéditionnaire aux antipodes découvre l'usage d'un string capable de résister à des forces colossales.

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Du haut du balcon du chalet de l'ARSIP (club organisateur de l'exploration de la grotte), le Chef donne ses ordres, rappelle le règlement qu'il a instauré, et harangue ses sujets.
Il pointe du doigt les moins fiables et les fusille de son œil menaçant.

- Pas de carbure en raison des déchaulages intempestifs dont la grotte a été victime (sur ce point, le peuple est unanime),
- Pas d'alcool sous terre ! ??? Patrick a du tomber malade, ou est-ce la chéfitude qui le rend comme ça ? S'inspirerait-il de De Joly dans ses méthodes de management ? Devant les questions, il prétend que ça peut nous couper les jambes...! ??? On voit bien que ça fait longtemps qu'il ne boit plus !
Seul, Papy, le Président élu, enfreindra la loi mais n'osera même pas sortir la chopine dans le trou... mais il semblerait que Dieu ne lui en ait pas laissé le temps.
- Il faut du chlore pour désinfecter l'eau que nous risquons de devoir prendre dans la grotte. Nouvelle protestation : mais cette eau vient de la montagne non ? Si on était dehors, on la boirait directement, non ?
- Nouveau point à problèmes : qui n'a pas sa poignée ? Une main se lève. Qui n'a pas son descendeur ? Plusieurs mains se lèvent. Patrick avait dit : "simplement un baudrier et deux longes". Connaissant les effets du sevrage, j'étais le seul à avoir pris mon matériel au complet.


Une fois la colère passée, le convoi (3 voitures) se dirige vers Ste-Engrâce, traverse la bourgade au son des cloches de vaches.
Ca y est, le chef est perdu. Les rumeurs montent : si le chef se perd en plein jour à l'extérieur, qu'est ce que ça va donner dans un labyrinthe de 50 km de long, dans l'obscurité la plus totale, avec des précipices, des fleuves, des cascades, et 400 m de roches au dessus de la tête ?
Après avoir fait vivre l'enfer à nos voitures sur une piste presque pas carrossable, il ordonne de s'arrêter. Le dernier km devra être fait à pied.
Avant de quitter les voitures, nous mangeons une dernière fois. Il est 14 h. Ce n'est que notre troisième repas de la journée. Mais surtout, comme nous sommes à l'extérieur, nous buvons un peu pour nous donner du courage et bénéficier des bienfaits des tannins, car sous terre, ce sera l'abstinence. 
Nous partons à 14h30, nous avons 30 mn d'avance, en plus de 30 ans d'histoire de club, ce doit être la première fois que nous n'avons pas 1 heure de retard.

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Arrivés à la porte, il y a une anomalie : on entend un torrent à l'intérieur. Mais à l'ouverture de la porte on comprend que ce n'est que le vent : en saison chaude, cette entrée souffle.



Ca y est, nous entrons dans le tunnel EDF qui permet d'accéder directement à la salle de la Verna. Nous bénéficions des éclairages.

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A l'abris du vent pour pas avoir froid

Enfin, nous arrivons, après 700 m de marche sur du béton, dans la salle de la Verna. Ses dimensions sont telles qu'il y aurait la place d'y construire Notre Dame de Paris. Mais question photo, avec un petit compact numérique, il est difficile d'en tirer quelque chose.

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Vue vers la centrale électrique souterraine Vue vers le Sud Vue vers l'Ouest La voûte, vue d'en bas

Alors ? Vous trouvez pas que c'est grand ??? Avec plusieurs secondes de pause, il parait que Philippe a réussi à prendre la voûte en photo.


Quelques jours plus tard, les faits sont là : par chance ou par talent, Philippe Laurent a réussi à prendre deux photos qui donnent une idée des dimensions de la salle de la Verna (Gauche) et de la galerie qui la suit (Droite).

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Je passe sur la montée des marches jusqu'aux installations EDF. Nous arrivons à la plaque commémorative de Marcel Loubens. C'est la deuxième fois que je la voie, et pourtant, je prends une nouvelle fois conscience que sa mort a eue lieu bien avant ma naissance.

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Passage de la passerelle et passage de la vire.
Après la vire, nous entrons en zone purement spéléologique.

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16h35, nous avons vécu 2 h sans nous alimenter, la spéléologie est un sport extrême, mais les plus faibles commencent à sentir des signes d'hypoglycémie. Celle-ci est victorieusement combattue à l'aide d'un saucisson, beaucoup plus diététique que le sucre qui pourrait entraîner une montée d'insuline.

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Mais le chef, qui n'a pas digéré le nœud qu'il avait dans l'estomac préfère faire le point et rester concentré.


Nous passons ensuite la "vasque Adélie". Comment ne pas se sentir transporté en Antarctique dans cet environnement et avec un nom pareil (même si la température de la cavité est à 7°) ?

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C'est ici que l'eau risque de monter s'il pleut à l'extérieur. Mais maintenant, nous savons qu'il y a un "shunt" par un réseau supérieur, à condition d'avoir sa poignée et son croll.
Nous passons une zone un peu concrétionnée...

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Nous philosophons sur la formation de ces concrétions et sur l'influence du vent sur leur structure.
Je ne vous montre pas des photos de chaque repas, pris en prévention de la famine qui nous guette. Mais ces pauses permettent également à notre papy de reposer ses genoux qui ont été rafistolés à plusieurs reprises et qui risquent de le faire chuter... Mais ça ne sera pas suffisant...
C'est au cours de la pause de 17 h 09 que Patrick a fait un cours de karstologie à Jean-Michel, lui expliquant en des termes très simples comment l'interaction dynamique entre tectonique et karstification, modulée par les paléo-remplissages aurait du mener à l'anastomose de la galerie alors que contre toute attente, la présence du réseau auxiliaire a conduit au creusement de la salle de la Verna, une des plus grandes salles du monde. On note également l'attention avec laquelle Jean-Michel écoute la science.

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17h 18, la colonne de spéléologues est très étirée, nous gravissons une pente sub-verticale. Les jeunes loups filent vers le pied du puits Lépineux. Patrick, le Chef avait ordonné une pause repas dans la galerie des Anciens qui ne doit plus être loin.
En bas de la pente, à l'arrière garde, Philippe suit papy. 17h 18, c'est là qu'arrive l'accident : une pierre sur laquelle Papy marche  se dérobe. Son pied chute de 7,5 cm, le projetant dans un précipice. Par chance, Philippe qui est derrière lui le saisit par la peau des fesses lui évitant une chute mortelle et le remet sur le sentier. Le pire vient d'être évité, mais la cheville a souffert.
C'est un moindre mal quand on sait qu'il aurait pu perdre les clous qui lui maintiennent le genou.
Le message remonte la colonne : "Notre Papy a chuté"...
A l'avant garde, juste derrière les jeunes, je m'assois, sachant qu'un diagnostic va être nécessaire et qu'une décision difficile à prendre devra peut-être être prise. Soit papy pourra continuer, soit nous le ramènerons.
Le verdict tombe : il faut descendre papy. Non, il n'est pas question de "l'achever", mais de le ressortir de la grotte. Le chef ordonne le rassemblement. 1) nous allons manger (ça fait presque 14 mn que nous ne nous sommes rien mis dans l'estomac), et 2) nous descendrons papy.
Je prépare mes nouilles chinoises, ces sachets immangeables dans d'autres circonstances mais si pratiques ici, et puis ça rappelle le bon vieux temps à ceux qui ont fait l'Indochine.

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Et puis, très rapidement, nous décidons de ramener papy. Il ne faut pas que sa cheville se refroidisse, sinon, il faudra le porter. Et comme chacun sait, Papy n'est pas une midinette. Le Chef nomme Jean-Michel (Vice-Président du G3S) en éclaireur pour chercher l'itinéraire le plus facile pour Notre Président blessé. Il me nomme Aide Particulier de Papy. J'accepte cet honneur avec modestie. Patrick se chargera de ramener les enfants (les trois Davids, Eric, Philippe, Nico et Yannick).
Au bout de quelques centaines de mètres, nous sommes perdus. Où faut-il traverser cette rivière. Jean-Michel a son avis. Papy en a un autre. Pour ma part, je leur fais confiance, je suis perdu.
Patrick nous rattrape. Il nous remet sur le droit chemin.
Nous arrivons à la désescalade. Patrick (reconnaissable à son casque n°38) va concocter une des recette techniques dont il a le secret pour descendre Papy en sécurité. Les autres descendront en auto-assurance à l'aide de leur poignée.
Papy s'élance dans le vide.

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Pendant ce temps, un des trois Davids vient de trouver un passage par le bas qui permet d'éviter la désescalade. Mais il faut dire que ce David était particulièrement en forme ce jour là. Nous repassons la vire.

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C'est à cet emplacement (alors que nous sommes encore perdus) que Papy a une réflexion très très con : "Je vous emmerde, non ?". Que répondre ? Je crois que j'ai répondu que oui, qu'on allait le jeter dans un trou.
Bon, d'accord, s'il me faisait le coup à Lechuguilla, je crois que je pleurerais, mais sans lui en vouloir. Par contre, pour la PSM, c'est presque une aubaine : c'est un prétexte pour revenir.
Ce que je ne comprends pas, c'est que je suis sûr que personne ne s'est senti "emmerdé" de devoir rebrousser chemin prématurément vu les circonstances. Or, n'importe qui à la place de papy aurait pensé la même chose. En clair, on pense que d'autres pensent un truc qu'on est sûr qu'ils ne pensent pas. Mais c'est comme ça, quand on est blessé et en auto-secours, on a toujours l'impression, a tort, d'être un boulet. Alors que le boulet, on ne l'est vraiment que lorsqu'on est dans la civière.

 

 

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   Ca, c'est David et Philippe au fond de la salle de la Verna.

 

 

 
Nous sortons du trou à 20h30.

Avant le repas, Patrick fait de nouveaux plans sur la comète... pendant que Papy clume, maudissant sa guibole.

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22h30 Nous terminons un festin qui nous permet de reprendre un peu d'énergie. Aller-retour, nous avons marché au moins 4 h. TPST=6h.

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22h52... Alléluia ! Patrick recommence à s'alimenter !

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Le lendemain est consacré à l'observation du massif karstique, aux figures d'érosion, à un report de surface...

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... et au repérage de l'entrée du gouffre Lépineux, où est tombé Loubens. Près du sentier, on trouve une orchidée survivante (après mûre réflexion, l'orchidée en question semble bien être une fleur, mais pas une orchidée).

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Cette entrée est obstruée par une grille, et il y a une autre plaque commémorative, sur laquelle on peut lire :

"Le maillon n'est rien, seule la chaine compte".

C'est joli non ?


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